Chasser les esprits

On raconte qu'il faut, pour écrire, s'installer dans un état d'esprit particulier, et je le dis aussi parfois. Mais je vais vous révéler quelque chose d'important. Je vous le dis à vous, et je l'écris aussi pour moi-même, dans le futur.

Chasser les esprits
Photo by Touann Gatouillat Vergos / Unsplash

Nekfeu aime répéter que les années passent plus vite que les semaines. Regardez en arrière, et vous verrez que c'est souvent vrai. Ces trois dernières semaines pourtant, depuis L'effet boule de neige, sont passées bien vite.

L’effet boule de neige
Notre vie et nos projets créatifs avancent, grandissent, se parent du temps qui passe et de ses effets. Une boule de neige dans la pente.

De la synthwave rugit dans mes oreilles. J'ai eu Lady Sakura, puis le psy à force d'essais. J'ai affronté le cauchemar coloré des paires d'yeux qui me scrutent depuis toutes les directions. Après un nombre de tentatives déraisonnable, je porte le coup fatal au grand dragon. L'épilogue de Katana Hero, musical et rétro, s'offre à moi. Le grand final d'un grand jeu.

Ces dernières semaines, j'ai été le chasseur d'esprits, celui qui peut anticiper ses mouvements et contrôler – juste un peu – le temps.

Parfois j'imagine ce que serait la vie si on pouvait contrôler le temps. Vous avez besoin d'une session d'écriture ? Mettez le monde sur pause pendant quatre heures. Le train s'apprête à fermer ses portes trois minutes avant le départ au lieu de deux, et vous arrivez seulement sur le quai ? Cinq minutes devraient suffire.

Dans un tel monde, j'imagine que l'impression de déjà-vu et le sentiment d'être observé viennent de quelqu'un qui serait passé devant nous, alors que nous étions nous-mêmes en pause. Nous en aurions gardé une trace fantôme dans notre cerveau.

J'imagine que celles et ceux qui font plus que leur âge ont abusé du système, joué de la pause à répétition. Ils ont vieilli quand nous les attendions, figés dans le présent.

J'imagine les abus : les vols, les agressions.

J'imagine les regrets : les pauses qu'il aurait fallu prendre juste avant que cette voiture ne surgisse au coin de la rue, les moments arrêtés qui ne seront jamais vécus.

J'imagine les solitaires profiter du calme absolu.

J'imagine le désespoir de celles et de ceux qui, par maladresse, auraient cassé le bouton, la télécommande, l'artefact quelconque qui enclenche ou désenclenche la pause, les condamnant à la solitude.

J'imagine le monde et ses histoires, ses vies fragmentées et discrètes.

J'imagine, et cela me fait du bien. Ces derniers temps, je n'ai pas écrit, ou si peu, l'esprit toujours accaparé par quelque chose d'autre. On raconte qu'il faut, pour écrire, s'installer dans un état d'esprit particulier, et je le dis aussi parfois. Mais je vais vous révéler quelque chose d'important. Je vous le dis à vous, et je l'écris aussi pour moi-même, dans le futur. S'asseoir derrière un clavier est parfois bien suffisant pour faire jaillir les idées.

2024 ne doit pas être une de ces « années qui passent plus vite que les semaines ». Soyons riches d'idées, laissons jaillir notre écriture.

Je vous souhaite une très bonne année.

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